top of page

LE BLOG

La croisière s'amuse en Amazonie

Après nos aventures en hauteur dans la Cordillère Blanche, il est temps de retourner sur le plancher des vaches, pour une bonne bouffée d’oxygène et de moiteur tropicale.



Notre visa péruvien, de trois mois, arrive bientôt à expiration. Nous n’en avons pas l’impression, mais oui nous venons de passer près d’un trimestre entier au cœur du royaume Inca. De fait, nous devons nous hâter de quitter le pays, même si nous ne sommes pas particulièrement pressés tant nous adorons pédaler ici.



Nous prenons donc un bus depuis le Nord de la Cordillère Blanche, là où débute le plateau Amazonien, de Huacachucro à Yurimaguas. Ce trajet en bus en plus de nous reposer un peu, nous offre une bonne vision de la facilité pour charger les vélos dans les bus péruviens : le collectivo est déjà plein, et pourtant, on ne nous refuse pas de caler nos deux bicicletas à côté d’un sac de poules (vivantes, cela va sans dire) et au dessus de deux cochons (vivants également, doit-on le préciser ?) qui souffrent clairement d’une bonne insolation !



Nous pensions nous reposer, mais les trois bus que nous prendrons ne nous reposeront pas du tout. Certes c’est une autre forme d’aventure, mais nous nous rappelons très vite pourquoi nous voyageons en vélo (entre autres raisons). Les horaires péruviens ne sont pas précis du tout. Un bus censé arriver à 20h arrivera finalement à 1h du matin, sans surprendre aucun passager qui attendait comme nous. Avec un stoïcisme légendaire, les péruviens sont simplement monté dans le bus sans broncher, malgré ces 5 heures de retard. Une belle leçon de patience pour les français râleurs que nous sommes ! Nous ne râlons pas car nous avons eu la présence d’esprit de gonfler nos matelas pour y commencer la nuit. Peut être était-ce aussi pour occuper ce temps que nous passons habituellement à monter la tente et à cuisiner.


Les bus sont aussi un moyen de transport beaucoup moins confortable que nos petites selles chéries. Nous passons quelques heures assis dans un couloir poussiéreux faute de sièges disponibles. Une autre expérience qui nous fait regretter notre intérieur cuir Brooks : lors d’un trajet en pickup que l’on nous a vendu pour 6 personnes, nous finissons à 15, serrés comme des bouteilles de Inca Cola, debout à l’arrière d’une bétaillère !


Et pourtant, arrivés dans le port de Yurimaguas, d’où nous partons pour Iquitos, nous ne sommes pas prêts de remonter sur nos vélos.



Nous partons en effet pour plusieurs jours de croisière sur un bateau rouillé, sur lequel sont chargés des kilos de briques, des tonnes de pâtes et autres commodités, des quintaux de bananes et deux petits vélos Btwin. Nous prions les dockers d’en prendre soin, malgré leur voyage à fond de cale.


La ville de Iquitos est desservie uniquement par voie fluviale sur le fleuve Amazone, ou par voie aérienne. Autrement dit, tout ce qu’on trouve à Iquitos, de la chaise d’un restaurant au mototaxi (qui évoque le tuk-tuk asiatique) en passant par les tuiles et le fer à béton des édifices de la ville.


Pour comprendre l'isolement de cette ville au coeur de l'Amazonie, voici une carte indiquant les trois villes qu'on a joint avec cinq bateaux différents :

- Yurimaguas : d'où nous sommes partis

- Iquitos : pour une bonne pause tropicale

- Coca : en Equateur, où le cinquième bateau nous a déposé.




L’aventure commence lorsqu’on nous annonce que le bateau va partir « ahorita », soit immédiatement. Nous attendons pourtant près de 17 heures avec de voir les faubourgs de Yurimaguas s’éloigner et les arbres défiler sur la rive.





Et c’est parti pour deux jours sur ce vieux rafiot. Ou trois jours. Peut être quatre… Personne, pas même le capitaine, n’est en mesure de nous dire précisément quand on arrivera à Iquitos.


Nous avons acheté des hamacs à Yurimaguas, les suspendons au milieu de dizaines d’autres, et y passerons le plus clair de notre temps. Ces hamacs pendent comme autant de cocons de chenilles, qui libéreront leurs papillons une fois arrivés à destination.





En attendant, on s’occupe comme on peut : nous lisons, nous écoutons des podcasts, nous transpirons, nous observons le coucher du soleil depuis nos hamacs, nous discutons avec Santiago et Verena, deux touristes perdus comme nous au milieu de toute cette péruvianité, nous jouons avec les tortues, singes et grenouilles qui vagabondent sur notre Arche de Noé, nous répondons aux questions des péruviens curieux qui veulent tout savoir sur notre voyage, nous observons la vie des habitants sur les rives du fleuve Amazone qui défilent, nous admirons les dauphins roses qui poursuivent notre embarcation.



Et toujours cette verdure impénétrable, ces palmiers et lianes enchevêtrés que l’on longe sans cesse et qui défilent de chaque côté. Et cette chaleur, cette moiteur qui nous colle à la peau à peine on pose un pied en dehors de notre hamac.



Au niveau logistique, les douches ne soient pas des plus propres. Avec ce sol crasseux et la tuyauterie rouillée qui crache une eau limoneuse, on ne s’y précipite pas.

On ne se précipite pas non plus à la bouffe, sachant le seul plat qui nous est servi est le sempiternel « pollo con arroz » (riz-poulet). Le luxe, c’est que flotte sur le riz une banane plantain pas mûre bouillie. Ce repas nous sera proposé deux fois par jour pendant quatre jours. C’est trop pour Pauline, qui passera plusieurs fois son tour. Nous rêvons tous deux de fruits frais et de bouteilles d’eau fraîche (et aussi de chocolat et de fromage, mais ça, ça fait sept mois qu’on en rêve !).

Finalement, nous arrivons dans le port de Iquitos quatre jours plus tard. Quatre jours d’une belle croisière le long des méandres de l’Amazone.



Iquitos. Cette ville de 500 000 habitants si éloignée de toute civilisation. On s’attendait à une ville arborée, verte, noyée dans une végétation amazonienne. Il n’en est rien. Le port nous donne un aperçu de la déforestation qui a lieu dans la région : de gigantesques bateaux chargent des billes de bois. De quoi nous dégoûter d’acheter des meubles en teck.



Et la ville est particulièrement crade et mal tenue. Ce sentiment est renforcé par la chaleur pesante et par la grève qui fait rage depuis de nombreux jours dans le centre-ville. Des montagnes de débris fumants jonchent le sol, du verre brisé nous forcera plusieurs fois à poser le pied à terre pour préserver nos vélos et des barrières de pneus et autres détritus empêchent l’accès à certains quartiers.




Cette grève est due à la proposition de rachat par des Chiliens de l’exploitation des champs pétroliers de la forêt proche. Les locaux défendent leurs intérêts en bloquant complètement l’activité économique de la ville. Malheureusement, ce n’est pas la première fois de notre voyage en Amérique du Sud que nous entendons parler d’entreprises chiliennes qui visent les ressources naturelles du continent (cuivre, lithium, sel, pétrole et même BTP).


Le centre-ville n’a aucun intérêt particulier, même une fois que la vie normale reprend le dessus une fois la grève levée.

En revanche, nous plongeons dans une vraie ambiance tropicale en faisant un tour dans la fournaise du marché de Bélen. Nausées assurées dans ce fouillis de ruelles crasseuses, où l’on vend de toutes sortes de fruits, légumes, viande et grigris de shamans. Les stands de crocodiles côtoient ceux de viande de singe et de brochettes de vers blancs. Les Péruviens abattus par la chaleur ont à peine la force d’agiter un éventail pour chasser les mouches qui s’agglutinent sur toute cette chair fraiche.





Ce qui nous choque certainement le plus sont ces planches sur lesquels sont vendues des tortues éventrées et mises en pièce. On peut même acheter des œufs de tortues servis par six dans de petites assiettes avec un cure-dent et une petite sauce. Ce n’est clairement pas par manque d’autres sources de protéines que ces espèces sont mangées : des milliers de poulets découpés sous nos yeux sont en vente ici. C’est simplement une tradition ancestrale trop bien ancrée. Nous décidons de ne pas encourager la consommation de tant d’espèces en voie de disparition, et décidons même d’en parler avec certains marchands ouverts d’esprit.






Nous descendons au milieu des maisons flottantes, qui à cette saison sont simplement des cabanes flottant sur une mer de déchets. Au bord d’un affluent de l’Amazone, des tonnes de bananes plantain sont déchargées par des dockers qui marchent pieds nus sur un océan de détritus. Nous osons imaginer que s’ils tolèrent une telle saleté c’est parce que pendant six mois de l’année ils sont cachés sous l’eau du fleuve, plus haute en hiver.





Nous passerons cinq jours à Iquitos, pour nous imprégner de cette atmosphère tropicale, mais aussi parce qu’on a vraiment galéré à en sortir : les bateaux pour l’Equateur sont vraiment durs à dénicher dans cet imbroglio auquel même les péruviens ne pigent rien.


Pour passer le temps, nous vendons quelques crêpes au Dulce de Leche. Nous crions dans les rues « Crepes franceses, de manjar blanco. Es una receta francesa muy rica ! Un solcito el crepe francese !». Nous en vendons une bonne cinquantaine en moins de deux heures, et nous prenons un vrai plaisir à échanger avec nos clients, qui sont curieux de connaître notre histoire. Notre recette a tant de succès que nous ne pouvons même pas nous réserver les deux dernières pour les manger !





Nous partons finalement en bateau du port de « Las Industrias », à cinq blocs de la Plaza de Armas. Ces bateaux sont amusants, car ce sont les moyens de transport locaux. Nous y sommes assis à côté de Péruviens qui vont au travail de bonne heure, comme on le ferait sur la ligne 13 à Paris mais avec une vue moins sympa.





Nous arrivons à Mazàn, petite ville bien agréable au croisement entre le Rio Napo et le Rio Amazonas. Si on avait su, c’est dans cette petite localité que l’on aurait passé du temps plutôt que dans l’imposante Iquitos.

Et d’ailleurs, pour tous ceux qui voudraient se rendre en Equateur depuis Iquitos, sachez que le plus simple est de se rendre directement à Mazàn. Déjà la ville est bien plus agréable que Iquitos, et d’autre part, tous les bateaux qui vont vers l’Equateur passent dans l’unique port de Mazàn. En revanche, à Iquitos il y a plus d’une dizaine de ports, c’est un bazar incroyable. Les bateaux qui indiquent partir pour Pantoja, la ville frontière, annoncent un départ sans faute. Et cinq jours plus tard, le bateau n’est toujours pas parti.







Le bateau suivant doit passer « sin falta » (sans faute) à Mazàn le jour où nous y arrivons. Evidemment, on nous annonce qu’il aura du retard. C’est donc le lendemain que nous partons pour l’Equateur, dans une véritable coque de noix. Des planches en bois inconfortables en guise de siège, pas de dossier, et de la nourriture très basique (pain sec et pastèque tiède). Trois jours incroyablement durs (dans tous les sens du terme, les bancs de bois n’ont rien à voir avec nos selles confortables), 72 heures interminables, nos corps de gringos livrés en pâture aux moustiques dans nos hamacs la nuit, et les fesses endolories dans la journée.



Mais toujours ces paysages incroyablement vierges, et ces petits villages perdus au milieu du poumon de la planète.


Nous arrivons à Pantoja et on nous annonce qu’un bateau part pour l’Equateur dans quelques minutes. Nous osons y croire même si notre expérience nous a appris à ne jamais croire les horaires péruviens. Nous nous précipitons donc pour faire tamponner nos passeports chez les douaniers, plutôt cool dans leur boardshort et leur tee-shirt de sport.



Ce dernier bateau nous emmène à Nuevo Rocafuerte, ville frontière du côté de l’Equateur. Nous y campons devant la capitainerie après avoir gagné un nouveau écusson dans notre passeport qui commence à bien se remplir.



Demain est un autre jour. Demain est un autre pays. Demain est un autre article !


ARTICLES
La fine équipe

PAULINE

La Cht'i 

CLéMENT 

L'hyperactif

 

Le coin des archives
recherche rapide #tags
Pas encore de mots-clés.
bottom of page